… pour vous présenter, si vous ne le connaissez déjà, un très grand artiste de la musique et du chant, un compositeur, auteur, chanteur, virtuose du mando-luth, natif d’Alger, qui fit ses débuts à Marseille au début des années 80… et qui vient (enfin) de publier son premier disque : « Live » - c’est le titre. Il se nomme Hakim Hamadouche : Hakim, cela veut dire « le juste » et Hamadouche pourrait être la traduction berbère de… « Amadeus ». C’est comme je vous le dis ! 

 

Dans ces années-là existait au Aubagne, à Marseille, un petit théâtre sous-terrain entièrement dévolu à la chanson : « L’Escoutille », dont l’entrée se situait entre la salle Mazenod et l’ancienne église catholique arménienne, devenue elle aussi théâtre sous le nom de « La Nef ». C’est dans cette salle – je vous en raconterai peut-être l’histoire un de ces jours – que se produisirent bon nombre des artistes français et francophones les plus talentueux, mais pas forcément les plus renommés, de l’époque. Certaines et certains y firent leurs débuts devant le public de quelque deux-cents personnes que le Centre de Rencontre et d’Animation par la Chanson (CRAC), gestionnaire du lieu, avait réussi à fidéliser. Hakim Hamadouche était de ceux-là.

Je me souviens très bien ! 4, 5 et 6 octobre 1984, 21 heures. Philippe Forcioli et son complice Bernard Abeille, à la contrebasse, partagent le plateau « avec des amis du coin ». Il y a la chanteuse Anne Testard, Riad Bensallem aux percussions… et Hakim, qu’ils ont rencontré à « La Maison Hantée », cabaret prisé (et enfumé) de la rue Vian. Et c’est le choc ! Une voix inouïe, fascinante, comme le son de sa mandole, une force d’expression incroyable doublée d’une douceur surprenante, une simplicité absolue ; ce qui s’appelle une « présence ».  Bref, l’émotion.

On fait aussitôt la connaissance du bonhomme. Il est arrivé d’Alger par bateau, en septembre 1982, pour rejoindre l’Ecole d’Art de Luminy en tant que plasticien. Il fait de la musique depuis l’âge de 17 ans. Il a commencé, dit-il, par les musiques traditionnelles de son pays, à l’école du style arabo-andalou ; il a travaillé avec le maître El Hadj Anka, qui l’a beaucoup influencé et lui a fait découvrir la musique occidentale.

Un an plus tard, fin novembre 85, il fait déjà équipe avec Riad Bensalem, Bernard Abeille, déjà cités et le violoniste Christian Zagaria pour former le groupe Seimar et jouer la vraie musique populaire algérienne, les superbes chants berbères et andalous, le « chaabi » typiquement algérois, mais aussi ses propres compositions inspirées à la fois de sa culture d’origine et de ce qu’il a appris en France. Le mélange est explosif, magnifique. C’est aussi à « L’Escoutille » que ça se passe. En même temps qu’une exposition de quelques-unes de ses toiles.

On l’y retrouve encore en 1986 pour un récital enregistré par Eve Griliquez et François-Régis Barbry pour leur émission de France Culture « Repérages ». Puis, en mars 1988, nous avons le bonheur, Dominique Tourmentine et moi, de l’accueillir pour deux chansons dans notre magazine « Méridiennes » ; sa première « télé »**.

Puis, c’est pour lui l’extraordinaire aventure de vingt-huit années (1992-2018) dans l’orchestre de Rachid Taha, ses partenariats avec Patti Smith, Christophe, les Têtes Raides, Lili Boniche, Mick Jones… , sa participation au groupe « Oriental Fusion », avec le percussionniste Ahmad Compaoré et le saxophoniste Edmond Hosdikian, sans oublier ses rencontres informelles et bluffantes avec des Marseillais célèbres comme Sam Karpienia et Manu Théron.

Enfin, ce disque, que l’on attendait depuis des lustres ! Un premier CD de sept titres. Il y joue en compagnie de huit amis musiciens, dont un de la première heure : Bernard Abeille. La galette est excellente ; les professionnels du jazz-rock-pop-funk-punk se répandent en compliments. « France Culture » l’interviewe. « Le Monde » en fait la vedette de sa « Nuit du Monde Festival » (5 et 6 octobre 2019) aux « Bouffes du Nord » dont il « enchante » le public***…. Comme le 28 novembre suivant au « Studio de l’Ermitage », toujours à Paris. On peut le voir sur youtube… Tant, il va passer bientôt à la télé nationale, tant ! Chez Drucker ou Naguy – non, je déconne !... Bref, il ne lui manquait plus qu’un coup de chapeau de la « Lettre aux amis ».  Eh bé ! le voilà !

Parfaitement ! Coup de chapeau à Hakim-le-Marseillais qui avoue avoir appris à jouer pratiquement toutes les musiques méditerranéennes en étant à Marseille, qui est une ville ouverte et de brassage méditerranéen, pleine de l’Afrique, grecque, arménienne, occitane, judéo-espagnole…Une ville où il pourrait bien revenir vivre un jour et où, en attendant, nous ne manquons pas d’aller l’écouter en famille quand il y passe chanter des chansons qui sont pour nous des « tubes », qu’il s’agisse de ses œuvres propres ou de chants andalous du XIVe siècle.

Trente-six ans bientôt que son chant résonne en nous ! Qu’il nous émeut et nous réjouit ; que nos routes se croisent autour d’une fleur, comme il nous l’écrit en dédicace. « Sirr », nous dit cette chanson fétiche, c’est une petite fleur qui vit dans le désert et qui est en colère. La fleur dit à l’homme, sois beau ! Crie quand il faut crier ! Et quand il faut chanter, chante ! 

Alors, chante Hakim, mon frère ! Chante ! Tu es un grand !

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* Hakim Hamadouche. « Live »

** « Méridiennes » au Centre culturel de La Busserine ; magazine de 52’, réalisé par Philippe Carrese. FR 3-Méditerranée, 7 mars 1988.

***Avec le violon de Mirabel Gilis et la voix de Marion Rampal.



LE MONDE

Au Monde Festival, Hakim Hamadouche enchante le public avec son mandoluth

Jacques Bonnadier

Lettre aux amis..